Péremption
augmentée
Les ombres fanées par les néons vaguent comme des âmes en transit auprès de leurs pâles conducteurs. Déroutés de leur essence vers les limbes à rayonnages, l'iris émoussé et le timbre fondu, les délavés suivent paresseusement la ligne de fuite du carrelage monochrome et des linéaires. Leur corolle spirituelle, ligaturée par les boucles sonores des appels à l'obéissance consumériste, n'est plus attentive qu'aux messages des trismégistes de tête de gondole. Rassemblés par une vénalité vaporeuse et un déterminisme intentionnel, confondant bien-être et bien-paître, ils acheminent leurs idoles sous vide vers les signaux stridents et réguliers des scanners, écholocalisant le tapis roulant qui les absoudra de leur matérialisme cérémoniel.
Le constricteur sans gueule et sans queue, sans morsure et sans fouet, déroule ses écailles-caddies à l'infini. Ses anneaux aux tractions rarement réprimées privent d'air les bronches délicates des individualités, broient les squelettes fragiles des consciences. Si ce python-là a reçu mandat pour veiller une prophétesse, c'en est une qui distille ses oracles dans les pestilences d'un encens de plastique et de carne, inspirant sa ferveur à l'ourlet divin d'une sacralité chiche, avide et corruptrice. Commodément résolus à se lover dans leur destinée reptilienne, les usagés convoient leur estime marchandée dans des circonvolutions sans mue et sans moi, n'héritant de l'illustre squamate que l'obscurité de sa défaite.
Enroulé sur lui-même, resuçant ses glaires, ravalant ses sucs, remuglant son haleine, l'ouroboros margoulin recycle sa funeste suffisance dans une autofécondation acide et programmatique, captif obstiné de sa logique d'obsolescence et de la rédemption par le pouvoir d'achat. Vie après vie, la multitude glissante façonne sa conformité, accouche ses propres hermès d'une maïeutique gangrénée par la salive publicitaire, et les érige en cochers serviles vers des enfers de polystyrène. Réfugiés dans un éternel retour qui ne les allège pas du poids de leur lésine égoïste, les flétris ne réincarnent plus que leur désir apprivoisé et leur envieuse bienveillance. Par delà le bien, par delà le mal, seule compte la résolution nerveuse et urgente du Besoin, rejeton aliéné de Phtonos et Adéphagie.
Digérée par son incessante réminiscence infernale, l'enfilade des avachis disperse une aura filandreuse, tissée par des Moires damnées par des décennies d'un crochetage usinier et frénétique propre à transformer un linon ouvragé en macramé de PVC. Au profit de sa péremption augmentée, l'humain détaché de sa vertu, tourné vers l'excellence de l'or et son usufruit fugitif, ne tisse guère son destin qu'avec les cordons de sa bourse. Et sa société clientèle, étirant encore des existences fatiguées par les allers-retours d'une navette hors de contrôle sur un métier déboulonné, s'entretient dans une immortalité accélérée, rythmée par des prophéties en prospectus et des oboles en tickets-restau.
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