Retour : Vains exercices
Fonte : Capriola par Viktoriya Grabowska

Mét
          em
     psycho

      Iridescente et tiède, la brume de sativa digère lentement le basalte lisse du large pilier rond autour duquel piétinent de courtes marches perdues entre ascension et dégringolade. Degré après degré, l'acidité vaporeuse de l'opiacé stimule les foulées synaptiques et introspectives, imprime à la descente la sensation rassurante d'un équilibre maîtrisé, apaise un vertige pressurisé par la chute depuis un Hélicon mental peuplé de Piérides bruyantes et légères. Ici-bas, la profondeur prévaut, et la spirale lévogyre tourne l'ombre de son escalier sans fin vers les nuances confuses d'un eigengrau dense et personnel. La luminosité déclinante réfléchit encore les contours d'une culpabilité nippée des formes du passé, mais déjà le regard en arrière n'est plus possible qu'à la condition de désavouer la catabase.

      Essoufflée par la décadence chimique et la giration lente du colimaçon, Mnémosyne en perd son langage et ses chroniques, Miansérine lui vole ses Muses et ses mots, harnache l'attelage de la pensée d'œillères veloutées : seule compte la progression vers l'oraison chthonienne, les circonvolutions mémorielles ne sont que distractions. La vrille se raidit et l'intériorité installe son corridor animique, les pulsations cardiaques font résonner aux tempes un thrène assourdi et l'aura toujours plus cérémonielle écarte toute volonté de revenir en arrière. La sensation de vertige s'est définitivement estompée au profit d'une claustration ouatée, une apesanteur verticale qui livre le corps à une stase entre deux états magnétiques, intrapsychiques.

      Intimidante et ondoyante, la multiplicité s'ordonne et les pensées éparses se concatènent en un babel profane et cristallin saturé de flux, de crues, de rupts. Le siphon lymphatique filtre les subjectivités qui repoussent encore la conscience à la surface et finalement le flot se tasse, se tarit, se tait. Sous l'étiage, les derniers échos mats des vociférations angoissées ne ralentissent plus la plongée, la densité limoneuse du mouvement conforte la sensation nucléaire d'un repli sur le moi. Symboliques, les brassées rabattent les remous-remords : l'ablution ontologique dilue les ultimes souillures d'un pour-soi percé, et dans cette douillette oubliette d'amoralité, l'immersion est salvatrice.

      La glissade engloutit la glose des dernières Ménades en théorie, le cortège tapageur des vicissitudes thoraciques s'épuise, se fait rumeur, murmure, bourdon. D'une œillade muette, Dyonisos scelle le conscient et unit l'entraille au divin, la monade à l'universel, le sensible à l'âme. La torpeur métempsychique tronque les distances dans un esprit en flottaison entre deux fortunes : l'une noie l'accablement du corps dans l'humeur infernale du renoncement, l'autre irrigue la conductivité nerveuse, réfute l'inertie, déploie la raison en une palingénésie de sofa et synthétique, mais qu'une nouvelle vitalité morale rend vertueuse. De cette réincarnation artificielle, il subsistera une satisfaction objective mais éphémère, jusqu'au prochain regard porté vers l'arrière.