Retour : Vains exercices 
Fonte : Asul  par Mariela Monsalve

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traînant la lassitude de leurs hôtes aussi péniblement qu’on tire un granit à la stèle , des vingtaines de semelles usent de leur découragement faiblard et soumis un linoléum aussi gris que les regards baissés sur lui ↝ leur cadence disciplinée et molle imprime dans le revêtement fatigué  toute une archéologie de l’attente, où les talons de cuir dur burinent les bas-reliefs caoutchouteux, et les cailloux anguleux volés au bitume des trottoirs continuent d’abraser un pigment depuis longtemps érodé par les piétinements quotidiens ↝ les sillons creusés sous les frottements répétitifs , les reliquats solidifiés de chewing-gums, les taches brunâtres à l’origine indéfinie forment une mosaïque qu’aucune poussière ne protège encore pour les conservateurs des musées du futur, mais qui distrait un temps les arpenteurs de jute de leur résignation

le teint crayeux sous les néons blafards d’un faux plafond trop bas, les processionnaires sont comme sculptés dans un désœuvrement conscient mais subi ↝ leurs postures de dévots pétrifiés par la lente retombée des cendres de l’aliénation sociale  figent une fresque calcaire, où s’enchevêtrent et se répondent indolemment les expressions de contrition  et les joues enflées d'ennui, les soupirs réprimés et les prières hagardes adressées aux œilletons numériques des caméras qui veillent à l'ordre de la cérémonie ↝ scellés à leur paume, des écrans individuels s'étreignent comme de précieux ex-voto à la grande communion virtuelle , officiant servilement à éloigner leurs propriétaires de toute pensée critique en même temps que de toute spontanéité à leur raisonnement, les projetant vers un ailleurs extérieur et ajourné, d’autant plus fantasmé que la privation et les filtres matriciels le transforment déjà en une transcendance onirique

quelle chaire aimante cette capucinade de fortune, ralentie dans sa concupiscence individualiste le temps d’une eucharistie codifiée par la bureaucratie ↝ vers quel prêche cette pastoralité engourdissante  aiguillonne-t-elle un cheptel sans chien ni houlette, au point que le troupeau en oublie que celui qui nourrit et guide l’agneau, le promet aussi à l’abattoir ↝ les involontaires pèlerins de la paperasserie composent un cortège historique, un méplat de tuf égrenant, pas après pas, de station en station, un chapelet de raclements de gorge étranglés , de gloussements assourdis, de lamentations murmurées ↝ indéfiniment emmurés dans le colimaçon d’une colonne trajane sans triomphe, lapidifiés dans une semi-vie qui animerait la pierre, mais raidit la chair, ces artéfacts d’une modernité asservie à son propre confort répriment les derniers élans d’une volonté qui s'entête à renoncer à elle-même

dans un mutisme expiatoire, la transe inébranlable  s’enlise dans les sables d’une apathie minérale et consentie, progressivement fossilisée par la raison bourgeoise et une économie de la désobéissance ↝ avec le temps, les coreligionnaires allogènes finissent par sédimenter sur place, médusés  en une congrégation hiératique qui ne jette plus un regard en arrière, par peur peut-être d’apercevoir les enfers ou pire, d'y perdre à jamais un libre-arbitre fantomatique qu’aucune lyre ne saurait délivrer  ↝ perdu dans le cycle d’un sacerdoce piaculaire essoufflant toutes les intelligences encore capables de lézarder le marbre du déni, le peuple finit statufié sous les scories réglementaires et la culpabilité du bon sens, devenant peu à peu le monument solide et éternel à la gloire de sa propre inertie